Un nouveau modèle d’Église : le modèle de Poitiers
Le manque de prêtres est-il le véritable problème qui met en péril la survie de l’Église ou avons-nous plutôt de la difficulté a envisager un autre modèle d’Église basé sur le fait que tous les baptisés sont des adultes dans la foi?
C’est dans le cadre du colloque annuel du Centre culturel chrétien de Montréal1 que Mgr Albert Rouet est venu présenter au Québec le modèle qu’il a implanté alors qu’il était évêque de Poitiers.
Ce modèle est celui des communautés locales, qui nous vient de l’Amérique latine. Une communauté peut se former tant dans un quartier en milieu urbain que dans un village ou un groupe de villages. Il importe de conserver des secteurs à taille humaine. Chaque communauté est en lien avec un prêtre, mais il est au service de la communauté, pas le centre autour duquel tourne la vie de celle-ci. Les membres de la communauté élisent parmi eux une équipe de cinq personnes pour l’animer. Elle est donc autonome et autoresponsable. C’est la communauté qui décide si elle souhaite une messe hebdomadaire en semaine, donc avec eucharistie et présence d’un prêtre, ou un rassemblement chaque dimanche, mais sans eucharistie toutes les semaines. Elle fait appel au prêtre selon ses besoins.
Ce modèle part du principe que les baptisés sont des adultes dans la foi, pas des mineurs! Tous les baptisés doivent pouvoir mettre leurs dons au service de l’Église. En se responsabilisant, les laïcs, hommes et femmes, se mettent debout et entretiennent désormais des relations d’égal à égal avec les prêtres et même l’évêque. Le peuple chrétien sort ainsi de l’inertie et du désespoir dans lesquels le confine le leitmotiv « on manque de prêtres ». Mgr Rouet n’est d’ailleurs pas d’accord avec le fait qu’on manque de prêtres : il manque de prêtres par rapport au modèle paroissial actuel, mais on peut changer de modèle! Et même s’il y avait assez de prêtres pour desservir les 604 paroisses du diocèse poitevin, 44 % de ces prêtres seraient dans des paroisses de moins de 300 âmes; ils s’y ennuieraient ferme… Les vieilles images du curé de campagne et de l’église rurale appartiennent au passé, il faut en faire son deuil. Un grand travail est nécessaire sur les mentalités et les représentations. Le modèle paroissial est certes en train de vivre ses derniers jours, mais un nouveau prendra la place : l’Église demeure vivante! Le peuple chrétien n’a donc pas lieu de se décourager. Ce modèle a redonné l’espérance aux chrétiens et chrétiennes en les rendant acteurs et actrices de cette espérance.
Le modèle paroissial classique est centripète : tout passe par le curé, le pouvoir est accumulé dans le seul ministère du prêtre alors que les premiers chrétiens, eux, connaissaient une diversité de ministères (diacres, sous-diacres, exorcistes, acolytes, etc.), diversité qu’il faut redéployer selon Mgr Rouet. Normal que dans le modèle classique, le manque de prêtres mette en péril l’existence même de l’Église. Et si on confie plus de pouvoirs aux laïcs sans changer le modèle, ou bien on cléricalise les laïcs, ou bien naissent des conflits de pouvoir.
Implantées à partir de 1996 dans le diocèse de Poitiers, les communautés locales sont maintenant au nombre de 300, rassemblant 1 600 fidèles. Et elles portent de beaux fruits! Les communautés locales renforcent l’élan missionnaire, la majorité des catéchumènes du diocèse étant issue de ces communautés. Le choix laissé aux communautés de décider si et quand elles veulent la communion a redonné sens à l’eucharistie, qui n’est plus un automatisme. Lorsque les communautés locales donnent de vraies responsabilités aux jeunes (pas un rôle de figuration), ils sont présents et s’impliquent! Eux aussi sont baptisés, donc adultes dans la foi. Le rôle du diocèse est de soutenir les communautés locales, non pas de les surveiller ni de leur dire quoi faire; contrairement aux paroisses, elles n’entrent pas dans la structure hiérarchique pyramidale du diocèse. Finalement, hommes et femmes sont égaux dans les communautés locales et peuvent y exercer toutes les responsabilités. La compétence est le seul critère qui importe.
Le modèle des communautés locales est basé uniquement sur le relationnel, et non sur l’administratif. Les communautés locales ne sont pas des paroisses « new look ». Il s’agit d’un modèle tout autre, basé sur une théologie du baptême, et qui demande une réelle conversion évangélique à ceux et celles qui souhaitent y participer.
1. Le Centre culturel chrétien de Montréal (CCCM) tenait son septième colloque annuel sur le thème « Hors de l'Évangile, point d'Église! » les 16 et 17 septembre 2011. Pour plus d’information sur ce colloque, visitez ce site.
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Cet article me rappelle des passages de mon livre!
La joie de vivre en communauté
Un plaidoyer
Ayant connu durant plus de trente ans, la joie de vivre en communauté, je voudrais ici partager ma joie. Et lancer un plaidoyer pour la multiplication des petites communautés chrétiennes à taille humaine. En même temps, c’est un plaidoyer pour l’avènement d’un chargé ou d’une chargée de la communion (ex-prêtre) au sein de la communauté. C’est dans ce but que j’ai écrit ce livre. C’est avec le même objectif que je vous le propose ici, avec la possibilité de l’illustrer par davantage de photos et de vidéos.
http://joie-en-communaute.over-blog.com/
Dans la conclusion :
http://joie-en-communaute.over-blog.com/article-3756871.html
Dans la préface du livre de Jean Pierre Roche, « Prêtres – laïcs, un couple à dépasser », Mgr Albert Rouet, évêque de Poitiers, écrit : « Le prêtre, de fait, change de place. Ce n’est plus autour de lui que tourne la communauté, c’est lui qui tourne autour d’elle. Révolution copernicienne. » Tourner autour d’une communauté, c’est possible, tourner autour de quatorze communautés, c’est presque un exploit! Et je ne pense pas seulement aux 14 communautés des Rois Mages, à Libreville. Abel, le séminariste avec qui nous avons créé les premières communautés d’Akébé, est devenu prêtre en 1981. Venu à Paris pour des études, un problème de santé l’a obligé à rester en France. Il s’est retrouvé curé de Toury et des treize villages environnant (diocèse de Chartres). Durant trois ans, il fut donc au service des 14 communautés, tout en étant trois jours par semaine à l’hôpital d’Etampes pour des dialyses…
Alors vienne le temps où plus personne ne tournera plus autour de personne. Vienne le temps où nous serons tous les uns avec les autres, vienne le temps où le prêtre, autrement dit le chargé de la communion, marié ou non, homme ou femme, sera comme tout un chacun, membre à part entière de la communauté, et surtout plus jamais membre entièrement à part!
Gérard Warenghem