Pour une Église dans le monde de ce temps
La liberté de pensée et de parole ne va pas de soi en Église. Mais des initiatives audacieuses parviennent à percer malgré tout. En voici une que nous trouvons d’actualité : le Manifeste du réseau des Forums André-Naud.
Qui a des yeux pour voir et des oreilles pour entendre se rend compte rapidement que la culture cléricale qui domine l’Église catholique romaine depuis des siècles revient en force depuis la parenthèse conciliaire. Elle s’impose de plus en plus, des diocèses aux paroisses en passant par toute institution qui s’identifie comme catholique, comme Développement et Paix. Le Vatican dirige d’autorité la barque ecclésiale à contre-courant des forces sociales progressistes et des baptisés qui marchent en solidarité avec ces réseaux au nom même de l’Évangile.
Les résistants et dissidents qui demeurent, malgré tout, regroupés dans divers réseaux de « l’Église peuple de Dieu » se manifestent en paroles et en actes de diverses façons. Un de ces réseaux, celui des Forums André-Naud (RFAN), constitué de baptisés, prêtres et disciples, présent dans sept diocèses, a publié un Manifeste qui rend compte des résistances à l’autoritarisme romain.
Dès le départ, André Gadbois, animateur du RFAN de Montréal, donne le ton dans sa présentation du Manifeste : « Inquiétés par la mise au rancart graduelle des orientations fondamentales du concile Vatican II par les autorités officielles de leur institution et l’étonnant silence des évêques du Québec, irrités par les nombreuses décisions que ces autorités imposent aux baptisés sans les consulter aucunement, tristes de constater comment ces décisions contribuent à enfermer Jésus et l’Évangile dans le Temple de la religion insouciante de l’humain de la rue, les membres du Réseau ont décidé en assemblée générale le 24 octobre 2012 d’adopter leur Manifeste pour une Église dans le monde de ce temps, inspiré par celui des 300 prêtres autrichiens. »
Voici quelques souhaits exprimés dans le manifeste :
• Que dans l’Église l’autonomie de l’être humain et l’importance de sa conscience soient au centre de nos orientations et de nos décisions d’agir…;
• Que l’égalité femme/homme reconnue dans la société civile le soit autant dans notre Institution ecclésiale;
• Que la décentralisation de l’Institution ecclésiale (avec les siècles, devenue romaine et gérée par la Curie) se traduise progressivement par une prise en charge de chaque communauté chrétienne par ses membres, selon leurs talents et leur disponibilité;
• Que nos évêques prennent une plus grande liberté face au gouvernement central de notre Institution et une plus grande implication, associés aux laïques, dans les enjeux de notre société québécoise.
Une série de sept engagements suivent. Le Manifeste au complet peut être consulté sur le site Internet du RFAN où il est aussi possible de l’appuyer : http://forum-andre-naud.qc.ca/.
Depuis 7 ans, inspirés par la parole de Dieu, guidés par les orientations fondamentales de Vatican II et l’esprit critique du théologien québécois André Naud, les membres du Réseau des Forums André-Naud (RFAN) cherchent à promouvoir la liberté de pensée et d’expression dans l’Église, leur Institution. Le RFAN comprend 7 forums locaux regroupant autour de 150 membres provenant d’une quinzaine de diocèses. Leur bulletin compte 237 abonnés.
Vous pouvez appuyer leur Manifeste en allant sur le site Internet du RFAN à http://forum-andre-naud.qc.ca/.
2 personnes ont commenté cet article.
Je viens de lire le Manifeste avec lequel je suis globalement d’accord.
Je ne suis pas du tout sûr d’acquiescer aux demandes 6 et 7 (dans le Manifeste) qui me semblent demeurer dans la logique d’une institution cléricale, dont la hiérarchisation demeurerait présente même si les femmes pouvaient accéder au diaconat ou au presbytérat. C’est le modèle qui est à remettre en question, pas seulement les personnes qui pourraient remplir le poste.
Avec ces nuances, j’entre dans l’esprit qui se dégage du Manifeste.
Je trouve assez malheureux et inquiétant que ce monsieur qualifie à trois reprises l’Église d’INSTITUTION. Je pense toujours que, depuis le Concile, l’Église se définit d’abord et avant tout comme le peuple de Dieu au service duquel des membres sont investis de responsabilités particulières. C’est d’ailleurs à partir de la nature «populaire» de l’Église que tous les membres, toutes les personnes baptisées, sont en droit de jeter un regard critique sur l’appareil ( l’institution) qui est sensé l’animer, le dynamiser et le faire progresser, jamais le brimer dans sa liberté de penser et de faire. Une distinction aurait pu être faite entre la hiérarchie émanant du peuple et théoriquement au service de ce dernier, et le peuple de Dieu, mouvement de toutes celles et de tous ceux qui, de par leur baptême, sont disciples du Christ et partagent le sacerdoce universel et premier. Je ne connais pas la composition exacte du RFAN mais je trouve que le sacerdoce presbytéral jette un peu trop d’ombre sur ce sacerdoce premier et universel que l’histoire et la structure pyramidale de l’Église catholique a dangereusement relégué au-dessous des sacerdoces ministériels.
Deuxième remarque qui renforce la réaction qui précède: la seule inspiration à laquelle le texte fait référence vient des 300 prêtres autrichiens. Pourtant deux femmes françaises, «simple baptisées» (auraient-elles pu en être autrement?) ont pourtant amorcé un mouvement de remise en question des agissements de la hiérarchie à partir de leur appartenance à ce peuple de Dieu qu’est d’abord et avant tout l’Église.
Bonne poursuite dans vos réflexions.
Sans remettre en question mon appui au Manifeste, je tiens à réitérer les bémols que j’y ai joints au début.
Fraternellement, Normand Breault
Je suis d’accord avec le texte du manifeste.